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Quels droits pour les grands-parents ?

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La mutation des structures familiales traditionnelles du fait des divorces, des séparations et des familles recomposées, de même que l’éloignement géographique ou les conflits et acrimonies entre les parents et les grands-parents peuvent entraver les relations qu’entretiennent les grands-parents et leurs petits-enfants. Dans une telle hypothèse, les grands-parents peuvent-ils exiger de voir leurs petitsenfants ? Les parents peuvent-ils s’y opposer ? En cas de conflit avec les parents, qui décide ?

Relation grands-parents / petits-enfants : que dit la loi ?

Les grands-parents jouent, souvent, un rôle primordial dans le maintien de l’esprit de famille et la solidarité intergénérationnelle. Plus disponibles, les grands-parents peuvent notamment prendre le temps de transmettre l’histoire, la culture, les valeurs morales, intellectuelles ou religieuses de la famille à leurs petits-enfants. Le rôle affectif et éducatif que remplissent les grands-parents peut contribuer à l’épanouissement harmonieux de la personnalité de l’enfant et à son bon développement. Dans ce cas, il est de son intérêt que les liens avec ses grands-parents perdurent par-delà d’éventuels conflits. Aussi l’article 374-1 du Code civil prévoit-il que : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non ». La lecture de cet article permet de constater que la loi ne prévoit pas un droit au bénéfice des grands-parents à l’égard de leurs petits-enfants, mais le contraire. Néan
moins, le langage courant se réfère bien aux « droits des grands-parents ». Si cette expression n’est pas rigoureuse, elle reflète toutefois une réalité : ce sont les grands-parents qui agissent afin que ce droit de l’enfant soit mis en œuvre et respecté. Sous les réserves qu’imposent l’article 374-1 précité, ce vocable peut donc être conservé.

Le droit de visite et d’hébergement des grands parents pour entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents

Le droit d’entretenir des relations personnelles avec les grands-parents comprend notamment le droit pour les enfants de voir leurs grands-parents, de passer du temps avec eux, de leur rendre visite dans la journée, mais également de rester dormir chez eux, afin de développer et nourrir cette relation. Ce droit est souvent englobé dans le terme de « droit de visite (visite dans la journée) et d’hébergement (accueil de nuit) ». La fréquence du droit de visite et d’hébergement des grands-parents est, en principe, déterminée selon les besoins propres à chaque famille et selon les disponibilités des enfants, des parents et des grands-parents.

Si les modalités du droit de visite et d’hébergement avec les grands-parents peuvent être modifiées et aménagées à la suite d’une modification structurelle de la famille (divorce, séparation, conclusion d’un PACS, concubinage, remariage) tous les petits-enfants disposent du même droit d’entretenir des relations avec leurs grands-parents, quel que soit le statut matrimonial de leurs parents. De même, tous les grandsparents exercent les mêmes droits (au profit de leurs petitsenfants), dès lors que le lien de filiation est établi et ce, qu’il s’agisse d’enfants naturels, légitimes ou adoptifs.

Conflit entre les parents et les grands-parents

Les parents peuvent être tentés de faire obstacle au développement des liens de leurs enfants avec leurs grands-parents ou refuser tout lien avec ceux-ci pour différentes raisons. Cette volonté d’écarter les grands-parents peut intervenir dans la continuité de relations habituellement crispées ou conflictuelles ou surgir au moment de la séparation, du divorce ou du décès de l’un des parents. Pourtant, il ressort de l’article 374-1 du Code civil que les parents ne peuvent faire obstacle à l’entretien des relations personnelles entre les petits enfants et leurs grands-parents, à moins que cette relation ne soit contraire à l’intérêt de l’enfant. Ce n’est que lorsque la fréquentation des grands-parents est nuisible aux petits enfants que les droits des ascendants peuvent être restreints ou supprimés. Tel peut être le cas notamment lorsque :

■ les rapports entre les parents et les grands-parents sont si mauvais qu’ils risquent de perturber ou qu’ils perturbent déjà les petits-enfants (conflit successoral, mésentente aiguë, dépôt de plainte des grands parents contre les parents, etc.) ;

■ une carence éducative ou de surveillance des grands parents a été prouvée (notamment en cas d’incapacité mentale ou physique) ;

■ la relation avec les grands-parents est dangereuse pour les petits-enfants (violences physiques ou morales, alcoolisme, etc.) ;

■ l’enfant refuse, de lui-même, de voir ses grands parents.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement par les grands-parents constitue le principe. Pour y faire échec, les parents doivent rapporter des éléments de preuve sérieux démontrant que l’intérêt de l’enfant ne peut être préservé si ce droit perdure.

Quels recours pour les grands-parents ?

Une solution amiable doit d’abord être recherchée dans la négociation afin de parvenir à la conclusion d’un protocole d’accord familial, qui pourra être homologué par le juge (et acquérir ainsi la valeur d’un jugement). Mais en cas de désaccord persistant, le litige devra être tranché par le juge aux affaires familiales. La procédure doit être nécessairement introduite par un avocat (car le ministère d’avocat est obligatoire). En cas d’urgence, une procédure de référé peut être diligentée (tel qu’en cas de refus brutal et catégorique de tout contact). Afin de rassembler tous les éléments lui permettant de prendre sa décision, le juge peut ordonner une mesure d’enquête sociale et/ou d’expertise médico-psychologique. A l’occasion d’une telle procédure, les petits-enfants peuvent être entendus par le juge, à leur demande ou sur sollicitation du juge.

Comment décide le juge ?

Pour rendre sa décision, le critère du juge est la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. En ce sens, il prend notamment en compte l’attachement entre les petits-enfants et les grands parents, les désirs et sentiments de l’enfant, l’existence de pratiques ou d’accords antérieurs au litige, le rapport d’une éventuelle enquête sociale et/ou d’une expertise médico-psychologique, le comportement des parties, leurs motivations, leurs éventuels conflits, etc. Sur la base de ces constations, le juge décide au cas par cas d’accorder soit un droit de visite et d’hébergement aux grandsparents et d’en déterminer la fréquence et les modalités, soit uniquement un droit de visite aux grands-parents et d’en déterminer la fréquence et les modalités (jour, durée, lieu…), ou alors uniquement un droit de correspondance et d’entretien par téléphone ou par d’autres moyens. Enfin, le juge peut aussi interdire toute relation entre les grandsparents et les petits-enfants…

La sanction en cas de non-respect de la décision du juge

Lorsque les parents refusent d’exécuter une décision de justice organisant les droits des grands parents, ils peuvent être pénalement poursuivis pour le délit de non-représentation d’enfant, punis d’un an d’emprisonnement et de 1.500 euros d’amende.

Judith Duperoy-Paour – Avocat à la Cour www.ledroitdesseniors.fr