Durée de l’accompagnement, absence de temps de repos, intensité et multiplicité des tâches à effectuer dans la journée… Autant de facteurs qui expliquent l’épuisement physique et psychologique de l’aidant familial. Tout cela pèse non seulement sur ses capacités d’aide et sa qualité de vie, mais peut aussi compromettre gravement sa propre santé.
Prendre du répit, est un besoin essentiel à n’en pas douter, à la hauteur de l’immense énergie psychologique et physique déployée par l’aidant familial pour s’occuper de son proche atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. Il faut dire qu’entre l’isolement social et affectif, le temps de l’accompagnement actif qui ne cesse d’augmenter et qui mobilise toujours plus la famille, les difficultés à trouver la disponibilité pour répondre à ses propres besoins sont croissantes. Il faut y ajouter le peu de reconnaissance reçue en retour, sans oublier le sentiment de culpabilité quand il faut agir à l’insu de la personne malade. Les facteurs sont ainsi nombreux lorsqu’il s’agit d’expliquer cet épuisement.
Une relation d’aide complexe
L’épuisement est en partie lié à l’absence d’adhésion et de coopération de la personne malade aux soins et aux aides qui lui sont proposés. Elle peut même s’y opposer fortement, verbalisant à un stade encore modéré «je n’ai pas besoin que l’on m’aide». D’autre part, prendre soin d’une personne atteinte d’une maladie neurodégénérative n’est pas gratifiant puisque quoi que l’on fasse les troubles ne disparaissent pas, la maladie continue d’évoluer et les difficultés à communiquer et maintenir la relation augmentent.
Accepter ses limites et prendre du répit s’avèrent plus que nécessaires pour éviter les situations de crise ou tout risque de s’effondrer. Allant de quelques heures régulières à plusieurs semaines, ces plages de repos vont permettre à l’aidant de récupérer physiquement et moralement et de pouvoir ensuite continuer à répondre plus efficacement aux besoins de la personne malade et aux contraintes de la maladie.
Accepter la séparation
« J’avais mauvaise conscience de le laisser seul et même de profiter des plaisirs de la vie que je ne pouvais plus partager avec lui. La culpabilité nous étouffe et nous empêche de bien vivre. Il m’est bien difficile d’admettre que mon amour ne puisse rien faire pour le sauver de cette situation » (Mme L).
Si le sentiment de fatigue est unanime et légitime chez les aidants, encore faut-il accepter de s’éloigner temporairement de son parent malade.
En effet, prendre soin d’un proche qui au fur et à mesure devient de plus en plus dépendant, entraîne chez l’aidant le plus présent (souvent le conjoint) le sentiment qu’il est le seul à pouvoir répondre à ses besoins. Il peut alors avoir des difficultés pour faire confiance à un relais extérieur, autre membre de la famille ou professionnel de l’aide.
Le besoin de répit et le sentiment de ne pas réussir à en prendre sont cependant dépendants de la nature de la relation entretenue jusqu’alors avec son proche, de l’intensité de celle-ci, de l’environnement humain et matériel disponible mais aussi et surtout de la possibilité pour l’aidant principal d’envisager de se séparer de la personne aidée.
« Tenir à long terme avec la maladie, c’est prévoir notre fatigue notre découragement, notre épuisement. Il faut mettre des jalons solides dans notre vie : s’appuyer sur les soignants au lieu d’entrer en rivalité avec eux, savoir se faire aider, savoir déléguer ses pouvoirs et même parfois déposer son chagrin pour se délasser les reins et le cœur. Certains médecins nous aident en organisant pour la personne malade un séjour temporaire dans de bonnes conditions d’accueil. » (Mme L.)
Dès lors, il est important que les moyens de repos que l’aidant va et doit s’octroyer, ne se concrétisent pas au détriment de la qualité de l’accompagnement de la personne malade. D’où la nécessité pour les structures de répit (accueil de jour, hébergement temporaire…) de proposer des prises de soins spécifiques et adaptées aux personnes malades.
Une culpabilité paralysante
« Je n’en peux plus mais surtout qu’on ne change rien à ma situation » : telle pourrait-on résumer l’ambivalence qui touche certains aidants familiaux épuisés mais chez qui le sentiment de culpabilité empêche «d’envisager tout répit».
Culpabilité d’autant plus vive que parfois la personne malade vit avec beaucoup d’anxiété l’absence de son aidant proche.
La culpabilité peut aussi tirer ses racines de l’histoire interpersonnelle. Certains aidants ont la conviction de devoir payer une «dette». La culpabilité, c’est également se retrouver devant ce choix impensable de sa propre survie au détriment de celle du proche malade d’où l’importance des prises en soin adaptés pendant l’absence de l’aidant.
Conclusion: les aidants jouent de nombreux rôles auprès de leur proche malade. Peut être trop ? Au final, près de la moitié souffre de troubles psychologiques ou somatiques notables durant le temps où ils prennent soin de la personne malade et même après l’éventuelle entrée en établissement.
Anxiété, stress, dépression, vie personnelle altérée, activités de loisirs réduites, risque de difficultés financières sont souvent les conséquences directes d’un accompagnement trop coûteux. Aider et soutenir les proche est un enjeu majeur.
Deux types de congés pour les proches aidants
Le congé de proche aidant permet à tout salarié d’interrompre sur une durée de 3 mois son activité professionnelle pour s’occuper d’un proche dépendant et peut être fractionné. Il n’est ni indemnisé,ni rémunéré.
Le congé de solidarité familiale permet à tout salarié d’assister un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou étant en phase avancée ou terminale d’une maladie grave et incurable. Il est d’une durée de 3 mois renouvelable une fois. Il n’est en principe pas rémunéré mais une allocation journalière peut être versée par l’Assurance maladie pendant 21 jours (contactez votre CPAM).
La pluralité des dispositifs
Permettre aux aidant familiaux de disposer de relais professionnels leur permettant de souffler, tel est l’objectif des structures d’accompagnement et de répit. Elle doivent être pensées comme des lieux de prise en soin globale de la personne malade : des lieux qui, en même temps que soulager l’aidant principal, font preuve d’efficacité dans leur accompagnement thérapeutique de la personne malade. Ces structures recouvrent une palette de dispositif diversifiés. Les personnes accueillies sont généralement âgées bien que des personnes de moins d 60 ans puissent également en bénéficier.
L’ Équipe Spécialisée Alzheimer (ESA)
Au sein des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), ont été créées des «Équipes Spécialisées Alzheimer» appelées ESA, comprenant des psychomotriciens,des ergothérapeutes et des assistants de soins en gérontologie. Ces équipes réalisent à domicile sur prescription médicale (15 séances maximum pour une personne par an) des séances de réhabilitation et d’accompagnement pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée et ayant fait l’objet d’un diagnostic. Elle vise principalement les personnes aux stades légers à modérés. Cette prestation est prise en charge à 100% par la Sécurité sociale.
L’ESA poursuit deux objectifs :
• En ce qui concerne la personne malade : essayer d’augmenter la participation de celle-ci dans les activités de la vie quotidienne, de préserver et/ou stimuler ses capacités cognitives, motrices, sensorielles et de communication.
• En ce qui concerne l’aidant : valoriser son rôle, son action et sa place; l’encourager et le soutenir.
L’accueil de jour
Il permet d’accueillir en structure autonome ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendante (EHPAD), pour une période d’une demi-journée à plusieurs jours par semaine, des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée vivant à domicile.
Ces accueils ponctuels encadrés par des professionnels, aident les personnes malade à maintenir un lien social, les stimulent par des activités destinées à ralentir les effets de la maladie (stimulation cognitive, gymnastique douce, atelier cuisine, art-thérapie, etc…) et soulagent également les proches en leur offrant des périodes de répit pour récupérer et s’occuper d’eux mêmes. Ils pourront ainsi, par la suite, être plus efficaces. Cet accueil va favoriser le soutien à domicile dans les meilleures conditions possibles. La prise en charge financière de l’accueil de jour peut faire partie du plan d’aide proposé dans le cadre de l’Allocation personnalisée à l’autonomie (APA).
La liste et les coordonnées des accueils de jour sont disponible auprès des conseils départementaux et sur le site www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr
L’hébergement temporaire
L’hébergement temporairement est un type d’accueil proposé par les EHPAD. Il revêt plusieurs objectifs : permettre une transition après une hospitalisation de la personne malade avant son retour à domicile, prendre en charge une personne dépendante le temps de l’hospitalisation du conjoint aidant, se préparer à une éventuelle entrée définitive en établissement permettre aux proches de partir en congés. Il peut être, en partie selon les cas, financé par l’APA, dans le cadre d’un plan d’action personnalisé (pour les ressortissants CRAM) voire bénéficier d’un soutien exceptionnel de certaines caisses de retraite ou conseils généraux. Ces admissions temporaires se font sur dossier, après contact direct avec la structure. Mais, comme son nom l’indique clairement, l’hébergement temporaire va être limité dans le temps,de quelques jours à trois mois maximum. Il doit être préparé à l’avance afin que la personne malade intègre bien qu’il s’agit là d’un temps limité.
La plateforme d’accompagnement et de répit
La plateforme d’accompagnement et de répit est un dispositif, encore peu développé sur le territoire. Adossée à un accueil de jour, cette plateforme propose un accompagnement de la personne malade, un soutien et un répit pour l’aidant mais aussi contre le repli sur soi et l’isolement du couple aidant-aidé. Ces propositions d’activités ont pour objectifs de lutter contre l’épuisement de l’aidant mais aussi contre le repli sur soi et l’isolement du couple aidant-aidé.
Donner du sens à son engagement
La formation des aidants a été mise en place dans le cadre du plan Alzheimer 2008-2012. Gratuite pour toutes les familles accompagnant un proche atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, cette formation est aujourd’hui assurée par France Alzheimer et maladie apparentées au niveau national. D’une durée de 14 heures découpées en plusieurs modules, elle a pour objectifs d’apporter aux aidants des outils concrets nécessaires à la compréhension des manifestations de la maladie et un accompagnement adapté de la personne malade. Cette formation, déployée sur l’ensemble du territoire, va donc agir sur l’évolution des compétences et sur la reconnaissances du rôle propre de l’aidant familial: de quoi permettre à l’accompagnant de trouver des réponses aux problèmes qu’il rencontre et donner du sens à son engagement auprès de son proche malade.
Enfin, ces séances de formation vont favoriser le partage d’expériences et permettre que se créent des relations d’entraide entre les participants.
Les formules innovantes ou en cours de développement
Des formules innovantes de répit sont développées. On citera, à titre d’exemple, les séjours vacances France Alzheimer, une action phare de France Alzheimer et maladies apparentées depuis de nombreuses années, destinés aux couples aidants-aidés (les accueillant sur un lieu de vacances pendant une dizaine de jour pour profiter d’un temps de détente et de partage d’activités de loisirs), les gardes itinérantes de nuit (proposant à domicile des passages à heures fixes pour les personnes malades vivant seules chez elles), les accueils de nuit assurés au sein de quelques EHPAD. Cependant,ces initiatives de nuit sont très exceptionnelles.
Exemples d’actions de resocialisation
Essentiellement organisées par d’anciens aidants familiaux bénévoles, elles sont mises en place pour favoriser la convivialité, la solidarité entre les familles et des relations durables entre les participants. Parmi ces actions, on peut noter:
• Les cafés mémoire France Alzheimer: leur objectifs sont proches de ceux des groupes de paroles. Leur organisation dans des cafés ouverts au public leur donne une ouverture supplémentaire sur une vie sociale «normale».
• Les sorties conjointes accompagnées : des associations ou structures proposent des sorties dans les musées, théâtres ,restaurants. Spécialement adaptées et animées par des bénévoles et des professionnels formés, ces sorties permettent de rompre l’isolement et de proposer une activité culturelle et de loisirs.
Ne restez pas seul(e)
Face à l’isolement dont peut souffrir l’aidant familial et aux attentes qui sont les siennes, les associations départementales constituent des lieux d’informations, d’orientation, ainsi que des espaces d’écoute et de soutien permettant le partage d’expériences.
Au sein d’une association, les familles peuvent être informées, si elles le désirent, des possibilités qui s’ouvrent à elles dans leur engagement d’aidant, des aides morales et psychologiques ainsi que des rencontres informatives autour de la maladie.
Personne ne peut prétendre à elle seule, détenir les réponses et les capacités à faire face à la maladie.Seule l’alliance des familles peut permettre, de part leurs expériences personnelles, d’approcher au mieux un accompagnement au long cours des personnes malades, dans leurs besoins de soins et d’aides, dans le respect surtout de leurs attentes et de leur dignité.
Sur le terrain, au plus proche des familles aidantes et des personnes malades, les responsables bénévoles des associations départementales France Alzheimer et maladies apparentées, ont pratiquement tous été, et parfois sont encore, des accompagnants d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.
Par leur écoute empathique, parce qu’ils sont les «pairs» de ces conjoints,d ces enfants qui viennent chercher informations, conseil, compréhension intime de leurs difficultés, les bénévoles des associations leur offrent la possibilité de ne plus se sentir seuls face au combat à mener chaque jour.
Mais la mission de ces bénévoles responsables dépasse largement le cadre de l’écoute. Ils mettent en place au sein du réseau des associations et avec la participation des professionnels notamment psychologues, des groupes de parole pour les familles, des ateliers mémoire pour les personnes malades, des cafés mémoire France Alzheimer, des haltes relais pour accueillir la personne malade et l’aidant. Tout ceci est proposé gratuitement aux adhérents de l’association. Ils participent également au développement des accueils thérapeutiques de jour autonomes. Ces associations sont aussi les portes parole de ces familles pour aider les professionnels à mieux connaître leurs particularités, à mieux comprendre leurs besoins, à mieux les soutenir dans leur rôle propre, de façon à ce que l’arrivée de professionnels dans l’intimité de leur domicile soit vécue comme une aide réelle. Les associations agissent ainsi comme une interface entre les familles et les professionnels.
Retrouvez les coordonnées de l’association départementale France Alzheimer et maladies apparentés la plus proche de chez vous sur www.francealzheimer.org
Sources et Crédit textes : France Alzheimer et maladies apparentée