Les seniors âgés de 60 ans et plus, dont le nombre est de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Actuellement, l’offre d’hébergement des seniors est majoritairement composée d’établissements médicalisés accueillant des personnes très âgées et dépendantes. Les conditions d’accueil en EPHAD et en maisons de retraite ne sont donc pas adaptées aux personnes âgées autonomes ou dont le niveau de dépendance est modéré, qui ne peuvent plus ou ne souhaitent plus vivre seules à leur domicile. Les résidences-services, en forte expansion depuis une quarantaine d’années, se présentent comme une alternative aux établissements médicalisés. Elles permettent la poursuite du maintien à domicile en fournissant des logements, des espaces collectifs fonctionnels ainsi qu’un certain nombre de services collectifs sur place (surveillance permanente, ménage, restauration, animation, services à domicile), mais elles ne peuvent fournir de prestations médicales.
L’application des règles de la copropriété aux résidences-services
Les seniors peuvent acquérir un logement en devenant propriétaires d’un ou plusieurs lots de la résidence services ou peuvent choisir de s’installer en qualité de locataires, en prenant à bail un logement dans l’ensemble immobilier.
Si la jurisprudence de la Cour de cassation s’est prononcée depuis longtemps sur l’application du régime de la copropriété, en ce compris les règles de répartition des charges, aux résidences-services – dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes –, jusqu’en 2006, ces résidences ne faisaient l’objet d’aucune disposition légale particulière.
La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (dite « loi ENL ») ainsi que le décret n°2010-391 du 20 avril 2010 modifient la loi du 10 juillet 1965 applicable à la copropriété des immeubles bâtis en prévoyant des dispositions spécifiques pour les résidences-services. Un cadre juridique est ébauché afin notamment d’encadrer la fourniture de services au sein de ces résidences.
Le fonctionnement et la gestion des résidences-services
La résidence-services, sous le régime de la copropriété, doit obligatoirement être dotée d’un règlement de copropriété, d’un syndicat de copropriétaires et d’un conseil syndical. Elle peut éventuellement être gérée par un syndic.
Le règlement de copropriété constitue la charte de l’immeuble et fixe les règles applicables dans l’ensemble immobilier. Certaines résidences-services fonctionnement avec un règlement de copropriété dans sa version classique, fixant les règles relatives à l’entretien, la conservation et l’administration des parties communes et celles afférentes aux éléments d’équipement communs et aux services collectifs communs. Les prestations de services peuvent être fournies à la carte ou faire l’objet d’un contrat de prestation de service distinct du règlement de copropriété. Dans ces cas, les règles de répartition des charges courantes ne sont pas applicables à la fourniture de services.
Le règlement de copropriété peut également étendre l’objet du syndicat de copropriétaires à la fourniture de services spécifiques, notamment de restauration, de surveillance, d’aide ou de loisirs. Dans ce dernier cas, la répartition des charges relatives aux prestations de services sont soumises aux règles de répartition des charges courantes.
Actuellement pour assurer la fourniture de services, la copropriété peut employer directement le personnel nécessaire. Un conseil syndical doit obligatoirement être
institué ; celui-ci peut être chargé d’assurer la gestion courante de services spécifiques ou donner son avis sur le choix des tiers prestataires. Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement comporte des dispositions modifiant ces règles.
La répartition des charges dans les résidences-services
Les copropriétaires des résidences-services ont le droit d’user et de jouir librement des parties privatives comme des parties communes tout en respectant la destination de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires.
Au titre de leurs obligations, ils doivent respecter le règlement de copropriété et contribuer aux charges de copropriété en fonction de leur quote-part.
Lorsque la fourniture de services communs est comprise dans le règlement de copropriété, la répartition des charges est fixée selon les règles de l’article 10 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965.
Selon ce texte, les charges de fonctionnement de ces services communs constituent des dépenses courantes, auxquelles les copropriétaires doivent contribuer, en fonction de l’utilité que ces services présentent à l’égard de chaque lot.
C’est le règlement de copropriété qui fixe les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.
L’inconvénient de cette disposition tient à ce que le critère d’utilité est déconnecté de la question de la consommation ou de l’utilisation effective des services. Ainsi, en cas d’inoccupation d’un logement ou de décès d’un copropriétaire, le paiement des charges liées à ces services est dû. Ainsi, même si le bien n’est pas occupé, les héritiers sont tenus de régler les charges afférentes jusqu’à l’éventuelle revente du lot.
Il convient de préciser que les services personnalisés qui peuvent être proposés (coiffeur, cours de peinture, de dessin, de chant, de musique, massage…) doivent, quant à eux, être réglés par les copropriétaires qui les utilisent individuellement.
Les contrats de fourniture de services pratiqués dans les résidences-services ne sont pas suffisamment encadrés (enquête DGCCRF publiée en juillet 2015).
Il est donc plus qu’indispensable que les seniors qui acquièrent un logement dans une résidence-services étudient attentivement le règlement de copropriété ainsi que la grille et les modalités de répartition des charges afin d’éviter toute mauvaise surprise.
Les principales modifications prévues par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement
Ce projet de loi a pour ambition de « sécuriser le modèle » des résidences services en distinguant la gestion des copropriétés de celle des services individuels, dont le paiement sera désormais conditionné à leur utilisation pour les nouvelles structures ».
Le projet de loi prévoit de modifier le statut de la copropriété des résidences-services en instaurant un contrat de services distinct de la relation entre le copropriétaire et la copropriété. Ainsi, il prévoit la distinction entre les « services individualisables » et les « services non individualisables » (une liste devra être établie par décret). Les services non individualisables devront être répartis en fonction de leur utilité pour chaque lot.
En outre, le projet de loi organise une plus grande transparence quant aux entités pouvant fournir les services : les services non-individualisables devront être fournis en exécution d’une convention conclue avec des tiers ; le conseil syndical ne pourra plus les gérer.
Enfin, le syndic ne pourra plus cumuler sa mission de syndic avec celles de prestataire de services dans la résidence.
Selon le calendrier de l’assemblée nationale, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement devrait être adoptée prochainement et son entrée vigueur interviendrait donc au début de l’année 2016.
Maître Judith DUPEROY-PAOUR Avocat au Barreau de Paris www.ledroitdesseniors.fr